Samedi 12 juillet.
Enfin ! A l'heure où j'écris ces
lignes, je suis dans le Pacifique, tant désiré.
Hier, après avoir récupéré mon
passeport, mon visa (il était temps) et ma clearance de sortie, refait le plein de gas-oil
et fait mes adieux à Michel et Nathalie, des gens charmants qui
m'ont aidé à supporter le stress des préparatifs, j'ai embarqué
mes 4« linehandlers »,mercenaires du canal chargés du
maniements des aussières au passage des écluses, puis me suis rendu
au lieu assigné pour attendre « le trip advisor », du
genre des pilotes qu'on trouve dans nos ports.
Vidéo : 1ère écluse de Gatùn: http://www.youtube.com/watch?v=nl6i4RYjhOo
Nous nous sommes mis à couple avec un
autre voilier, allemand, qui lui aussi passe dans le Pacifique. Nous
serons disjoints pour la navigation dans le lac de Gatùn, mais
passerons toutes les écluses à couple. Après cette première
écluse, deux autres lui succèdent, nous faisant monter à 21
mètres, altitude du lac. De l'autre côté, une écluse à Pedro
Miguel et deux à Miraflores nous feront descendre au niveau du
Pacifique.
La traversée du canal, malgré toute
la charge symbolique qu 'elle porte, n'est pas une partie de
plaisir. Des heures de moteur, sur 2 jours, avec 5 inconnus à bord
qu'il faut nourrir et accommoder du mieux possible pour être sur
qu'ils fassent bien le job, le tout par une chaleur moite et
étouffante... J'ai connu des nav' plus plaisantes.
Et justement... Alors que les
conditions météo des jours précédents, que j'observais
quotidiennement, via les fichiers grib, étaient décourageantes, avec des pétoles ou des
petits vents contraires, énorme coup de bol, j'ai actuellement 20
nœuds de vent portant et Bara Gwin déboule entre 6 et 7 nœuds vers
la sortie du golfe de Panama, là où je redoutais de devoir faire
encore des heures de moteur.
Cela ne préjuge en rien du passage du
pot-au-noir, mais je peux m'empêcher d'y voir un augure favorable.
Lundi 14 juillet
Ahhhhhh, les petites joies simples !
Retrouver du vent pour faire avancer le bateau et un mince rayon de
soleil...
Mais les petites joies simples, faut
les mériter : 36 heures à négocier des pétoles, des petits
airs venant, alternativement, des 4 points cardinaux et, la nuit
dernière, un orage monstrueux qui a duré 4 heures. J'ai eu mon feu
d'artifice avant vous ! Les éclairs blanchissaient la nuit sur
360°, accompagnés, par moments, de trombes d'eau qui ont bien rincé
le bateau. Je ne sais si j'en ai fini avec le pot-au-noir, mais pour
l'instant, je marche plein sud, avant de mettre le cligno à droite,
vers les Marquises.
Vendredi 18 juillet
Pas eu trop le temps, ni surtout
l'envie, d'écrire les jours précédents, tant c'était déprimant :
3 jours sans un rayon de soleil (« sous un ciel bas et
lourd... »), du vent constamment changeant m'obligeant à
modifier mes réglages ou à virer de bord, la difficulté à dormir
correctement, car il faut manœuvrer la nuit également, m'avaient un
peu mis les moral en berne. Point d'orgue hier soir, une tourmente
venue d'on ne sait où, avec une soudaineté fulgurante, m'a obligé
à barrer 2 heures durant, à poil (car je n'ai pas eu le temps de
m'habiller avant de sortir, et après plus question de lâcher le
cerceau) sous une pluie diluvienne . Le vent n'était pas très fort,
25 nds, mais variant tellement vite de direction que le pilote ne
pouvait suivre. Au moins suis-je tout propre ce matin.
Le tracé de la route suivie cette
semaine vous en dira plus que de longs discours.
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Slalom pour mes amis suisses |
On dit que le chemin le plus court
entre 2 points est la ligne droite, ce n'est pas ce chemin que
j'emprunte...
Heureusement, ce matin le moral
remonte. Beau soleil, vent régulier (pas dans le bon sens, mais ça
c'est usuel...), pas un réglage depuis 3 heures, j'ai pu faire
toutes les bricoles en retard depuis plusieurs jours. Et je me
promets un bon gueuleton avec une salade de chou, du pain frais et
une boite de pâté Hénaff (oui, oui, il m'en reste!)
Dimanche 20 juillet.
Ouf ! Quel soulagement ! Plus
de 18 heure que je n'ai pas eu à manœuvrer, pas de virement ni
d'empannage, pas de réduction de voilure, rien ! Le vent est
enfin établi (je sais j'ai déjà dit ça au moins 12 fois...).
Certes, nous sommes encore au près, mais à plus de 6 nds en route
directe sur les Marquises, plus que 3100 milles à parcourir et, si
le vent adonne comme, logiquement, il devrait le faire, nous devrions
passer au portant et trouver un peu de confort.
Je n'avais pas pêché, jusqu'à
présent, ayant d'autres chats à fouetter. J'ai mouillé mes lignes
ce matin, 30 minutes ont suffi pour remonter 2 jolis bestiaux. Si un
connaisseur pouvait les identifier...
Bilan de cette première semaine :
meilleure journée (la 1ère) :
121 milles
pire journée (17/07) : 61
milles !
Pas très glorieux, tout ça, mais si
les conditions actuelles persistent, je passe demain au nord des
Galapagos, et franchis l'équateur après-demain.
Mardi 22 juillet
19h42, passage de l'équateur,
accompagné de la traditionnelle libation à Neptune, nous voici dans
le Pacifique sud.
Bara Gwin doit sentir l'écurie, depuis
2 jours il est fou-furieux, on dirait qu'il lui pousse des
nageoires:165 milles hier, 182 aujourd'hui, en route directe sur les
Marquises. A ce rythme, nous mettrons beaucoup moins que les 5
semaines escomptées. Mais c'est à la fin du marché qu'on compte
les bouses...
Mardi 29 juillet
Ouf ! Un beau lever de soleil, un
ciel dégagé et le moral remonte. Depuis une semaine , je n'ai
plus de pilote. Après 12 heures de fonctionnement chaotique, il a
déclaré forfait. J'ai purgé tout le circuit hydraulique (merci à
Victor pour m'avoir, à Las Palmas, enseigné comment faire) mais
cela n'a rien changé. Poursuivant mes recherches, je me suis aperçu
qu'en tapotant l'électro-pompe du vérin, elle se remet en marche mais
s'arrête spontanément au bout de quelque minutes. Je présume donc
qu'il faudrait changer les charbons, mais je n'ai pas la pièce à
bord.
Je suis donc tenu de barrer le plus
souvent possible pour faire avancer le bateau dans le bon sens.
Lorsque je ne barre pas, je parviens à trouver un réglage de
voilure qui lui permet de faire route, mais cette route s'écarte
beaucoup de la route directe. Je dois donc récupérer le cap perdu
en barrant. Ajoutez à cela qu'il a fait froid, que j'ai été obligé
de sortir les polaires et la veste de quart pour barrer la nuit, vous
imaginerez le p'tit coup de blues...
Mais ça va mieux, le vent est plus
chaud, le soleil revient et Bara Gwin avance vite. Je suis toujours
en avance sur le tableau de marche prévu et tout ça c'est bon pour
le moral. Et puis, après tout, surmonter des difficultés, ça fait
partie des charmes du voyage.
Jeudi 31 juillet
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la 2ème daurade |
Encore une coryphène. Y en a marre du
poisson ! Et je n'ai même pas de fromage à raclette pour accompagner...
Vendredi 1er août
Pensée émue pour mon Gauthier qui fête ses 25 ans. Grosses bises, mon fiston.
Jeudi 14 août
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Cherchez l'erreur (réponse en bas de page) |
Nous y sommes. Depuis hier, Bara Gwin
est ancré dans la baie d'Atuona, sur l'île d'Hiva Oa, au centre des
Marquises. Je suis épuisé (j'ai ptète un peu abusé de mes
comprimés pour chiennes incontinentes...) mais euphorique. Lorsque
je repense à ce que nous avons fait, malgré les aléas météo,
malgré la défaillance du pilote, malgré tous les petits ennuis
matériels et pépins de santé dont je vous épargne le détail, je
suis fier de mon bateau. Certes, bien d'autres ont fait beaucoup
mieux : plus difficile, plus loin, plus vite, plus longtemps,
malgré tout, j'ose le dire, je suis également fier de moi. Au
programme : repos, grand ménage dans et sur le bateau, lessive
puis visite de l'île, très accueillante à première vue.
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1er mouillage polynésien |
Réponse à l'énigme: tout comme sur mon journal de bord, j'ai zappé la journée du 8 août, si bien qu'en arrivant, j'étais persuadé d'être le jeudi 14 (pardon, Maman, pour l'anticipation...)
P.S. désolé pour tous les messages auxquels je n'ai pas répondu, ou trop brièvement, mais l'accès internet, ici, est plus lent que mon bateau et et plus versatile que mon pilote... :-)
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